Vous vous êtes connus comment, Flora et Yves ? F.R. - J'ai découvert son vin que j'ai tout de suite aimé. Y. G. - J'ai fait une visite au Grand Pré. Je suis venu rapidement après l'ouverture et j'ai tout de suite aimé. Les beaux produits, les belles cuissons. On a sympathisé. IL FAUT ETRE GENEREUX Et l'idée du Bistro du'O ?
YG. - J'aime beaucoup cuisiner. Un jour, j'ai dit à Raoul qu'un de mes rêves était de créer un certain type de restaurant, un lieu convivial, où il y a de la vie. Je suis contre les associations, par principe, mais j'ai aimé la rigueur des perfectionnistes qu'a Raoul. F.R. - Tous les deux sont très pragmatiques, très hommes d'affaires, et aujourd'hui, si on veut créer un lieu que les gens aiment, où ils reviennent, et qui dure, il faut savoir bien gérer. Au départ et après. R. R. - L'expérience du Grand Pré où nous étions deux au départ, et où nous sommes onze aujourd'hui montre qu'il faut être prêt à suivre une affaire quand elle se développe, à s'investir encore plus. Y. G. - Pour le choix de Vaison ... on voulait une ville de cette taille, et une ville qui « marche » aussi l'hiver. Et dans l'idée du Bistro, qu'est-ce qui est venu en premier, les mets ou les vins ?
F. R. - Les deux. Il y a encore certains établissements où le vin est secondaire. Certains disent même « on commencera à réfléchir sérieusement à la cave et à la carte des vins si on est étoilé ». Evidemment, pour Yves ou pour moi, ce ne pouvait pas être le cas. Il faut être généreux. Un endroit digne, des bons repas, des bons vins, des prix raisonnables. Le service du vin, simplifié et décontracté, a-t-il été pensé comme tel ?
R. R. - Oui, c'est la cohérence avec l'esprit bistrot. Y. G. - Ceci dit, les verres sont des Spiegelau et si le client le souhaite, le vin est carafé. F. R. - Par contre, nous n'avons pas d'apéritif. Uniquement les vins, ou du champagne, ou du vin doux naturel. L'ENFER Comment avez-vous élaboré la carte des vins ?
Y. G. - Ca a été l'enfer. Vous imaginez, une sommelière et un vigneron... R. R. - Le cauchemar, c'est que j'étais l'arbitre. Y. G. - Au début, je suis arrivé avec mon rêve : 800 références. Grâce au côté rigoureux de Raoul, on est tombé à 120 références. F. R. - On a voulu faciliter la vie des clients. 60 références figurent sur une carte organisée en trois prix : 15 €, 20 €, 25 €. Les blancs et rouges sont à peu près aussi nombreux et les rosés représentent une ou deux références par prix. Y. G. - L'éventail des palettes aromatiques des rosés est plus resserré. F. R. - Il y a une autre carte avec 60 très grandes références. (Coup d'oeil rapide sur cette autre carte : Thierry Allemand, Henri Bonneau, Didier Dagueneau...) On sert aussi deux vins au verre différents chaque jour : un d'une cave particulière, un d'une cave coopérative. Y. G. - Ensuite, le débat a été de savoir si on travaillait avec les vignerons ou avec des agents. F. R. - C'est vrai que, comme sommelière, je préfère aller directement chez les vignerons. Un vin, c'est la personnalité de celui qui le fait. Par ailleurs, si on se fâche avec un vigneron, on se prive d'un vin. Si le courant ne passe pas avec un agent, on se prive de plusieurs vins. Y. G. - De manière pragmatique, le recours à des agents qui représentent quelques références, auprès de qui on peut s'approvisionner même en petites quantités, c'est assez pratique. On ne peut pas déranger un vigneron toutes les semaines avec douze bouteilles. Ceci dit, les vignerons, sur 120 références, il y en a peut-être deux ou trois seulement qu'on ne connaît pas. F. R. - Le souci est de rester très vigilant lors de la dégustation. Certains agents savent tellement bien vendre un domaine, son histoire, la personnalité du vigneron... Il faut en revenir à la dégustation, à l'analyse qui permet de savoir quel est le travail réel et les résultats réels du vigneron. Et selon les millésimes, bien sûr, c'est variable. Sur le choix des domaines ?
Y. G. - C'est l'enfer dont nous parlions. Des heures et des heures de dégustation et de débats... A plus forte raison sur la région. Et sur Gigondas, pour moi, c'était proprement impensable de faire des choix. C'est la seule raison pour laquelle en Gigondas, je n'ai mis que mes vins. Et puis, nos goûts, avec Flora, ne sont pas forcément les mêmes. Moi, de plus en plus, j'aime la minéralité, la fraîcheur... Sans oublier la première contrainte. Par rapport au principe que nous avions fixé pour la carte d'une présentation par les prix, c'était le prix justement. F. R. - Et la carte évolue. Nous allons au Bistro avec un esprit critique, et il nous arrive de retirer un vin de la carte, comme récemment un chablis, s'il nous déçoit. Et puis, il y a de nouveaux talents. ***
La cuisine de Michel Ducellier – c'est un point commun avec le Grand Pré – ne se répète pas, va toujours de l'avant, comme dans une promenade sans fin. Des soirées à thèmes sont prévues pour cet hiver, et le printemps verra fleurir une terrasse devant le Bistro du'O. La prudence impose de réserver. |