L'oenotourisme culturel

Article du 16-11-2011

 

Les quelques années de vie de l'oenotourisme ont permis des avancées significatives dans ce secteur émergent.

Les acteurs du vin et ceux du tourisme se sont rencontrés. Ils ont appris à se connaître et à agir ensemble. Les initiatives individuelles et les projets privés s'accompagnent désormais de l'action coordonnée des destinations labellisées après instruction du CSO (Conseil Supérieur de l'Oenotourisme).

Ici ou là des rencontres, des colloques portent la bonne parole et des formations ont engagé la professionnalisation du secteur...

Malheureusement, la culture est aujourd'hui le chaînon manquant de l'oenotourisme.

Significativement, aucun représentant de l'administration ou du monde de la Culture ne siège au CSO (lors des premières réunions, une chargée de mission avait fait quelques apparitions).

S'agissant de la marque Vignobles et découvertes, si la visibilité et la lisibilité de la destination est posée en objectif aussi pour son patrimoine culturel, ce n'est que de manière annexe, ou au mieux complémentaire, que sont intégrés dans une destination événements et sites (musées, monuments, châteaux, patrimoine vernaculaire…).

Entre dégustations, balades, événements gourmands... le monde de l'oenotourisme est loin d'avoir pris la mesure de ce qu'est une approche en profondeur des patrimoines vitivinicoles, viti-culturels, loin aussi d'en avoir mesuré l'importance en termes de positionnement concurrentiel et de marketing.

Un mille-feuille patrimonial

C'est bien de dire que le vin est un produit culturel. C'est encore mieux de vouloir faire inscrire dans la loi que le vin "fait partie intégrante du patrimoine culturel et gastronomique protégé en France" (des propositions ont été déposées dans ce sens).

Allons plus en profondeur. A travers le vin (agréablement tangible), la curiosité humaine va à la découverte d'un immense millefeuille patrimonial, dont le vin est à la fois le fruit et la cause.

La notion de millefeuille permet d'imager cet empilement qui comprend géologies, pédologies et paysages remarquables, aménagements humains (terrasses, murets, irrigations, caves troglodytes...), pratiques culturales et savoir-faire (modes de conduite de la vigne, cépages, vinifications, élevages, outillages, conditionnement...), traces archéologiques et réalisations architecturales (cabanes de vigne, villages vignerons, domaines viticoles ou châteaux...), productions littéraires (y compris la riche toponymie des lieux-dits) et artistiques, événements populaires et folkloriques, pour se terminer sur les vins eux-mêmes (le goût est un élément culturel) et leur place dans le patrimoine gastronomique.

Nous sommes ici bien au-delà du vin des guides et des magazines, produit de consommation réduit à ses propriétés organoleptiques, à ses caractéristiques olfactives, à un rapport qualité-prix, à une note entre 90 et 100... - et à l'opposé du vin considéré comme simple produit agro-alimentaire conçu et fabriqué selon des standards conformes aux goûts supposés des consommateurs.

C'est à ces patrimoines que doit s'intéresser l'oenotourisme culturel.

D'abord pour des raisons tenant aux parties prenantes de l'oenotourisme.

Il s'avère que la connaissance et la compréhension du passé, la recherche d'auhenticité soient, de plus en plus, un besoin du public touristique, notamment pour les segments qualitatifs visés par l'oenotourisme. Un public prêt à poursuivre une fois rentré chez lui, et hors saison touristique, ses expériences de découverte (grâce notamment aux cavistes). N'est-ce pas ce que veut le monde du vin, un public de plus en plus curieux ?

Pour les territoires, on assiste aux succès d'initiatives créatives (allant même jusqu'à la recréation de vignobles) visant à protéger leur histoire, à revaloriser leur identité patrimoniale, et à renouer avec la valorisation et la transmission des héritages.

Pour de nombreux vignerons, il y a une tendance naturelle à se faire les interprètes de leur terroir, et à assumer leur rôle d'auteurs et artistes d'un patrimoine vivant.

Quelles histoires mettez-vous dans mon vin ?

Ensuite, parce que la richesse de nos patrimoines viticulturels est sur le plan international un avantage concurrentiel considérable.

Ce qui est surtout vrai par rapport à des vignobles lointains... Pour des vignobles plus proches, il y a déjà de la concurrence.

Un exemple en passant. Le magazine La Vigne rapportait en octobre l'exemple du petit vignoble portugais de Colares, en butte à la pression urbanistique.

Terroir de sable, cépage rouge original (Ramisco), impulsion historique du roi Alphonse III (au XIIIème siècle) vignes franc-de-pied conduites en plein vent au ras du sol, architecture de la cave (ancien hangar à tramway), étiquettes "Art Nouveau", vin tannique très riche... le vignoble présente un éventail d'originalités patrimoniales propres à mettre l'eau à la bouche des amateurs, et à protéger le vignoble des promoteurs immobiliers.

Ces patrimoines viticulturels, il n'appartient qu'à nous de les mettre en valeur par leurs histoires, leur Histoire.

C'est exactement ce que nous proposent de faire les gens de communication et de marketing qui utilisent la très efficace technique - finalement ancestrale - du story-telling.

Quel héritage à transmettre ! Que d'histoires vous allez mettre dans nos vins !

Et voilà même l'oenotourisme promu à un rôle de levier culturel propre à agir pour la sauvegarde et la valorisation des patrimoines !

 

 

Lire aussi - sur l'inventaire des patrimoines vitivinicoles

Pour un inventaire du patrimoine vitivinicole

L'ANEV et le patrimoine de la vigne et du vin

Article de l'Indépendant - septembre 2011

 

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