Nous avons le plaisir de publier le résumé de la présentation de Robert Tinlot aux 2èmes journées internationales des Amateurs éclairés de vins, tenues les 5 et 6 Juillet 2014, au château du Clos de Vougeot.« Le fil conducteur est l'abandon de la déontologie spécifique du vin pour satisfaire les obligations de la mondialisation. La mercantilisation de l'activité des sociétés mondialisées laisse peu de place aux richesses culturelles accumulées au fil des millénaires » nous explique Robert Tinlot, Directeur général honoraire de l’Office international de la vigne et du vin (OIV), ancien membre de l’INAO et Président de l'Académie Amorim. * * *
Une déontologie du vin se construit en réponse aux crises post-phylloxérique et de 1929 Ce qui caractérise le vin en France et en Europe, c’est la déontologie spécifique qui le gouverne. Ainsi s’écarte-t-il des règles qui s’appliquent aux autres denrées alimentaires et même aux autres boissons. Il est en même temps qu'une boisson, un produit culturel, mythique et singulier. La formation de cette déontologie, en France, après le libéralisme révolutionnaire et la suppression des corporations et autres organisations professionnelles, en 1791, s’est construite sur les crises viticoles qui ont suivi la grande catastrophe du phylloxéra, à la fin du XIXème siècle et au début du XXème. Le vignoble replanté après sa destruction par l’insecte « vastatrix » a été immédiatement confronté à la concurrence des vins fabriqués et artificiels : vins de sucre, vins de diffusion, piquettes, vins de raisins secs, vins additionnés d’eau et d’alcool, utilisation en mélange de caroubes, clochettes, fleurs de mowra, riz, orge et autres matières sucrantes, saccharose et addition de substances chimiques telles que les acides sulfuriques, chlorhydriques, nitriques, boriques, des arômes et matières colorantes comme la fuchsine. Le législateur dû intervenir pour définir le vin (loi Griffe du 14/08/1889) et pour interdire toutes ces pratiques ainsi que pour exclure du marché les vins issus des pratiques visant à « modifier l’état naturel » du vin. Il intervint aussi pour écarter les vins malades ou atteints d’acescence. Cette période se caractérise par une abondance de mesures qualitatives fixées par des lois parfois redondantes, voire contradictoires qui ont fait parler d’une mosaïque de lois. La loi du 1er août 1905 mis un terme aux initiatives parlementaires et donna au gouvernement le pouvoir d’intervenir par des règlements d’administration publique (décrets en Conseil d’Etat). Par l’ensemble des mesures qualitatives on a construit un corpus juridique qui devait à lui seul régler les problèmes de surproduction en laissant sans concurrence les vins sains, loyaux et marchands. Le mot d’ordre était de « lutter contre la fraude ». Après la Grande Guerre, la diminution de la demande des armées et la crise de 1929, on vit s’installer la surproduction que les mesures qualitatives seules ne pouvaient pas réduire. Aussi, le législateur intervint de nouveau pour introduire des mesures économiques de gestion du marché. Dès 1930, on crée un ensemble des dispositions que l’on appellera le statut viticole de Barthe (du nom du parlementaire à l’origine des textes). Cet ensemble sera réuni dans un décret du 1er décembre 1936 dit « Code du vin ». Ce statut viticole comporte un ensemble de mesures visant à réduire la superficie du vignoble, une liste de six cépages interdits, des mesures de blocage avec échelonnement des sorties de la propriété en fonction des cours, des mesures de distillation des excédents et l’on créé un monopole des alcools et un service spécial au ministère des finances pour gérer les alcools ainsi produits et on taxe les hauts rendements. Les vins sont répartis en trois catégories : les « vins de pays » en bas de l’échelle (pays étant péjoratif à cette époque), les vins de coupage qui constituent les vins à privilégier pour la consommation courante et les appellations d’origine (et AOC en 1935). Une commission de propagande en faveur de la consommation du vin et une commission de surveillance du prix des vins au détail pour que le prix excessifs ne freinent pas les ventes sont mises en place. Enfin, un régime des vins importés permet de limiter la concurrence des vins étrangers. Après la période de pénurie de la guerre, dès 1953, on réintroduit des mesures comparables à celles du statut viticole de Barthe. On établit un cadastre viticole qui est géré par un Institut des vins de consommation courante. |