Que manque-t-il à l'oenotourisme français ?

Article du 16-10-2014

L’oenotourisme avance.

Deux journées bien remplies viennent d’être organisées par Atout France à Lyon les 14 et 15 octobre. Se sont succédé le salon de rencontres professionnelles Destination Vignobles, la réunion des destinations labellisées « Vignobles & Découvertes », et une assemblée générale du Conseil Supérieur de l’Oenotourisme présidé par Florence Cathiard.

Cet ensemble d’événements a permis de prendre la mesure des avancées de l’oenotourisme en France.
En effet, les volontés politiques sont de plus en plus nombreuses à inscrire le développement du tourisme du vin dans leurs priorités, certaines dans la foulée de Laurent Fabius qui il y a un mois marquait par sa présence la labellisation nouvelle du vignoble de Monbazillac.
Les acteurs locaux, du monde du tourisme, de l’agriculture, des milieux consulaires… rivalisent, sur le terrain, d’actions parfois concurrentes.
La cinquantaine de destinations labellisées couvre désormais une grande partie du territoire, surtout depuis que le label a gagné à sa cause la Champagne et Bordeaux, et leur travail en réseau paraît à quelques exceptions près satisfaisant.
Les initiatives privées se multiplient, et l’oenotourisme va aujourd’hui bien au-delà de la seule et simple vente au caveau.
Quant à Atout France, qui prête son large concours à la gestion du label « Vignobles & Découvertes », il assure une promotion de l’oenotourisme sur les marchés export clés.

Alors, comment se fait-il que l’oenotourisme français ne figure pas dans les « best of », et qu’il semble que la route des vins mondiale ne passe plus par la France ?

Les manques avancés ici ou là par les professionnels sont multiples.

Le premier est que si les destinations « Vignobles & Découvertes » ont permis un travail en réseau sur divers territoires, les noms mêmes de ces destinations n’ont pas fait l’objet d’une attention suffisante, en termes de marketing. Il n’est pas sûr que « Côteaux du Sézannais » « parle » à un habitant du Wyoming, ou que la différence entre « Vallée du Loir » et « Saumur, Val de Loire » soit signifiante pour un amateur brésilien.

Au-delà du nom, de la visibilité des destinations, il conviendrait de s’interroger sur leur positionnement concurrentiel, leur lisibilité. Si j’imagine sans peine différemment un séjour à Lourdes et un week-end à Saint-Tropez, je ne me fais que difficilement une idée de la particularité d’expériences oenotouristiques vécues respectivement en « Côteaux Sud d'Epernay et Côte des Blancs », et en « Massif de Saint Thierry, vallée de l'Ardre ».

Il y a donc un travail à entreprendre quant au marketing territorial de nos destinations vigneronnes, sans doute sous la houlette des départements ou des régions. Une tâche reconnaissons-le épineuse dans le cadre de nos perspectives politiques actuelles.

Un autre manque est relatif à celui d’un acteur fondamental : le monde culturel.

L’oenotourisme est un tourisme culturel. De manière fort agréable, le vin, c’est de la culture qui se déguste. La clientèle à laquelle il s’adresse est à la recherche de compréhension, de rencontres enrichissantes, d’Histoire et d’histoires.

Nous avons insuffisamment tablé, pour l’instant, sur nos héritages vitivinicoles. La géologie, nos paysages de vignes (que nous devons protéger), nos architectures vitivinicoles, l’histoire sociale et économique de nos vins… tout ceci constitue un avantage concurrentiel sur le marché de l’oenotourisme mondial et doit être mis en histoires et en expériences touristiques.

Sur le plan des initiatives individuelles, privées, les professionnels soulignent plusieurs manques que nous ne pouvons que nous borner à citer ici : l’absence d’originalité des prestations proposées (sauf exception), l’insuffisante réflexion sur les produits oenotouristiques (séjours, circuits, événements…) et leur capacité à créer un imaginaire chez les futurs touristes, le manque de professionnalisme et de services, l’absence de maîtrise de la langue anglaise (qui limite même la participation française aux événements internationaux comme l’International Wine Tourism Conference), le retard des infrastructures d’hébergement des zones viticoles, le prix et le service des vins au restaurant (par ailleurs peu « ambassadeurs » des vins locaux)…

Mais, pour « remonter » au plan national, on peut se demander pourquoi l’oenotourisme ne dispose d’aucun budget (ce qui obère par exemple la mise en œuvre d’un véritable marketing numérique du tourisme vigneron), et, sur le fond, comment - alors que par exemple la Géorgie vient de décréter ce mois-ci une Journée Nationale du Vin - il est possible de rendre attractif un « art de vivre le vin français » dans un contexte prohibitionniste qui tue le sourire des amateurs. Et des professionnels.

André Deyrieux
Fondateur de Winetourisminfrance.com, vice-président du Conseil Supérieur de l’Oenotourisme

 

 

La route des vins ne passe plus par la France
http://www.winetourisminfrance.com/fr/breves/1433_la_route_des_vins_ne_passe_plus_par_la_france.htm
Oenotourisme et marketing territorial
http://www.winetourisminfrance.com/fr/magazine/1813_oenotourisme_et_marketing_territorial.htm
L’oenotourisme culturel
http://www.winetourisminfrance.com/fr/magazine/1241_l_oenotourisme_culturel.htm
De l’activisme oenoculturel
http://www.winetourisminfrance.com/fr/magazine/1665_de_l_activisme_oenocuturel.htm
Le paysage viticole, ressource de l’oenotourisme
http://www.winetourisminfrance.com/fr/magazine/1193_le_paysage_viticole_ressource_de_l_oenotourisme.htm
Pourquoi l’oenotourisme ne se vend-il pas ?
http://www.winetourisminfrance.com/fr/breves/1762_pourquoi_l_oenotourisme_ne_se_vend_il_pas.htm
Oenotourisme : l’heure de l’originalité
http://www.winetourisminfrance.com/fr/magazine/1557_oenotourisme_l_heure_de_l_originalite.htm
Le tourisme, boulet de l’oenotourisme
http://www.winetourisminfrance.com/fr/breves/1775_le_tourisme_boulet_de_l_oenotourisme.htm
Tuer le vin
http://www.winetourisminfrance.com/fr/breves/1581_tuer_le_vin.htm

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