Comme le titre l’indique doublement, nous traversons avec cet ouvrage court mais dense deux temps : celui des saisons et des travaux précis (accolage, buttage, taille...) de la vigne, et celui de l’histoire de la vigne. Mais attention, en parlant de vignes plantées en foule, de labour au cheval, du passage du viticulteur au vigneron (qui élève et met en bouteille son vin), de science œnologique, il n’y a pas de passéisme. Vins naturellement d'avenir
Il y a là dans le détail des travaux à la vigne, des vendanges à maturité optimale et à la main, et à la cave, une défense argumentée des vins naturels – et Henri Jayer était « un biodynamiste » sans le savoir - qui seuls expriment les terroirs (alors que Henri Jayer n’utilisait que des fûts neufs) et retranscrivent les effets d'un millésime. Si la philosophie du vigneron et de l’auteur rejoignent le constat fait par le récent livre d’Eric Dupin (« Voyages en France » au Seuil) « d’une fatigue de la modernité », ils lisent dans cette viticulture naturelle les caractéristiques de celle du troisième millénaire. Les vins industriels n’auraient donc été qu’une parenthèse, les technologies une illusion. Qu’à Dieu ne plaise… Le train des vins industriels de la mondialisation
On est là à l’opposé du tout récent livre de Christophe Juarez « France, ton vin est dans le rouge », dont la lecture en parallèle est éclairante. Ex-directeur général de Laroche, président du directoire de H. Mounier, et directeur commercial d’Unicoop (Ccognacs Hardy et vins Lamothe-Bergeron), l’auteur est riche en critiques contre une vieille France qui a « raté le train des vins industriels de la mondialisation », où « business et vin ne font pas bon ménage », accusée de « compter sur son patrimoine historique et culturel » et d’offrir une « abondance de choix qui nuit à la performance » (et l’auteur fournit utilement le repère d’un « Top 15 » des ventes de vins tranquilles en France ; Roche Mazet, Vieux Papes, La Villageoise, Noémie Vernaux, Cellier des Dauphins, Ormes de Cambras - pour nous en tenir aux ventes supérieures à 10 millions de cols). Ceci s’accompagne de plans d’actions pour créer une filière industrielle du vin apte à « résister à l’insoutenable pression de la mondialisation » : « codification des vins par cépages », « gommage de l’effet millésime », « imposition de marques », « essais de plants OGM », « alternative gustative des copeaux de bois », généralisation de la capsule à vis, création de bassins de commercialisation (par exemple, Bourgogne, Beaujolais, Jura, Savoie)... Ces deux livres semblent souvent se répondre. Par exemple, à propos des confrontations internationales comme le Jugement de Paris de 1976. « Des concurrents américains avaient osé battre les meilleurs vins français. Mais à l’époque, la profession avait préféré discréditer le concours au lieu de lire froidement le constat comme une alerte très sérieuse. » (C. Juarez) « Et au fil des ans, comme on faisait de moins en moins de vins de terroir, les vins français devenaient de plus en plus faciles à copier et pouvaient être battus dans les concours internationaux ! » (J. Rigaux) La société de production-consommation contre les valeurs de la terre, le combat effectivement du troisième millénaire… |