 Qui aime voyager et s’instruire dans les vignes, aime aussi les récits de tels voyages. Il est heureux de rencontrer dans une librairie The wandering vine, ouvrage de Nina Caplan paru en mars dernier. Comme il le fût en son temps de faire la connaissance de Robert Camuto (Un Américain dans les vignes), de Claude Gilois (Le Tour du monde épicurien des vins insolites), de Lawrence Osborne (The Wet and the Dry), sans parler du Président Jefferson... Nina Caplan est journaliste (The Times, Decanter…) du vin, des arts et des voyages. Elle vit entre Londres et la Bourgogne et vient de livrer le récit d’un voyage œnoculturel qui l’a menée d’Angleterre à Rome en passant par Reims, Autun, Lyon, Carpentras, Nîmes, la Catalogne, l’Andalousie, la Sicile, la Campanie. On imagine sans peine la qualité et la quantité des richesses culturelles et des récits offerts au cours de ce périple à notre dégustation par le truchement des vignes et des vins : la grappe de Canaan ou les chapiteaux de Vézelay ; Maimonides ou Pline l'Ancien ; Pommard ou Pomone ; Homère ou Guillaume le Conquérant ; Hélène, mère de l’empereur Constantin ou Comus ; Rachi ou Columelle ; le peintre Juan Fernandez el Labrador ou Picasso ; le musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal ou la mosquée-cathédrale de Cordoue… On vous épargnera un name dropping plus fourni ; pourtant, on ne sait jamais assez que le foisonnement culturel vineux de notre ancien monde est sidérant… |
L’exceptionnel mille-feuilles patrimonial du vin
Ce voyage dans les vignobles et les terroirs raconte les transplantations, les acclimatations, les migrations ; celles des cépages, des cultures, des hommes aussi… Mais il n’y a rien de mieux que le vin pour jouer avec l’espace et le temps, et au voyage dans l’espace, il est impossible que ne s’ajoute pas le voyage dans le temps, au cœur de l’exceptionnel mille-feuilles patrimonial du vin, ainsi que les occasions d’aller et retour, de concomitance, de carambolage entre les passés et le présent. Cependant cet œnotourisme n’est pas qu’un pèlerinage culturel. Au fil des rencontres (elles sont nombreuses et font aussi de ce livre un vrai guide œnotouristique), on constate que, souvent, les plus innovants des vignerons, et les plus respectueux de l’âme de la vigne, sont les plus au fait de l’histoire du vin. Ils renouent, au-delà de critiquables modernités dont les nuisances ne sont pas épuisées, avec les cépages autochtones, les modes de conduite de la vigne, les élevages anciens, les pratiques de vignobles éternels. Et cela, quand bien même relève du mythe ou de la poésie le rêve de retrouver les saveurs et les goûts anciens. En tout cas, c’est, partout, une fierté pour eux de faire découvrir leurs terroirs millénaires. « Everywhere, this testimony to the central importance of wine. How much poorer our lives are for having marginalise it ! » déplore l'auteur. La vraie culture de notre Méditerranée – Mare Nostrum - que l’on soit Juif, Phénicien, Celte, Grec, Etrusque, Romain, Chrétien – et, par moments et éclairs, musulman, c’est bel et bien une civilisation commune de la vigne et du vin, avec des symbolismes cousins et entrecroisés, des modes de vie et des cultes aux indéniables airs de famille, des moments trop rares de convivencia (coexistence) autour du convivium, le banquet de la vie…
Si vous ne voyagez pas dans les vignes cet été, allez-y quand même avec ces riches récits. The wandering vine Wine, the Romans et me Bloomsbury www.thewanderingvine.co.uk |