L'œnotourisme est-il un sport outdoor ?

Article du 03-08-2020

Le Covid a accéléré un phénomène œnotouristique.
La prime enfance de l’œnotourisme s’est déroulée dans des lieux sombres : les caves, caveaux, celliers des châteaux et domaines, semblables aux grottes modérément humides où la mythologie se plaît à situer la prime enfance de Bacchus, confié aux nymphes (1).
Rapidement, les caveaux de dégustation sont montés à la surface, offrant des vues apéritives sur les vignobles ; de courtes randonnées épicuriennes ont été proposées aux mollets et aux palais des gourmands ; et nombre de soirées musicales ont jeté les étoiles du ciel dans les verres des oenophiles. (2)
Ce printemps et ce début d’été en témoignent largement : cette insufflation de plein air est aujourd’hui précipitée par les nécessités de la convivialité distanciée et des règlementations pénalisantes pour les lieux clos.
Or, une fois dehors, c’est à une large extension du domaine de l’œnotourisme que l’on assiste. La vigne est paysage, belvédère et point de vue. Elle est cadre d’un art de vivre, lieu de découverte agricole, lieu de patrimoines œnoculturels.

La vigne cadre épicurien

Si on n’a pas attendu pour grimper dans les rougiers de Marcillac et y déguster son fer servadou, pour pique-niquer dans les domaines (notamment depuis les Vignerons indépendants) ou pour goûter huîtres et homards devant les rangs de vigne, les apéros sunset sont aujourd’hui vite complets à Monbazillac ; les tables quittent le cellier pour se dresser en extérieur au Clos de Vougeot ; La Font des Pères, à Bandol, se fait élevage de poulets d'exception et rôtissoire ; les food-trucks se multiplient comme des petits pains, et les wine-trucks coulent à flots comme le rosé.

A l’image des châteaux Vignelaure, La Coste ou Smith Haut Lafitte, à l’exemple de la cave de Montagnac ou des sculptures sur trognes des jardins de Bouscassé, les œuvres d’art ne cessent de descendre dans les parcs et les vignes.

On pratique dans les vignes yoga, Qi Qong ou sylvothérapie. Evénements musicaux et projections voient adaptés leurs effectifs, comme ce fut le cas pour le festival de jazz de l’Hospitalet qui s’est courageusement maintenu cette année.

Itinéraires

Mais les vignes offrent plus qu’un cadre paysager à des expériences épicuriennes. Elles offrent les plus méconnues de leurs parcelles à des itinérances douces dans des paysages souvent exceptionnels (qui méritent d’être protégés des usines d’éoliennes).

Si on n’a pas attendu pour faire le Lot en 2CV, la Côte-des-bars en VTT électrique ou la Savoie à pied ou à cheval (avec Alpes-Flaveurs), les animateurs d’escapades et d’échappées belles sont de plus en plus présents comme Youpi Tours dans le Vaucluse ; Planet Explora en Champagne ; POP à Chinon ; Vignévasion en Provence ou les Escapades Sommelières de Caroline Daeschler dans le Bugey.

Les solutions digitales assistent l’autonomie et l’indépendance des excursionnistes et visiteurs. Les tours de vigne interactif se multiplient (comme avec l’œno-tour interactif du Domaine de la Dourbie dans l’Hérault, qui sait mettre en évidence le micro-climat de Mala Coste). Les applications continuent à se développer et à se créer, comme Rue des Vignerons, Route71 en Bourgogne, ou une application saisonnière concernant le pineau des Charentes.

Cette itinérance extérieure devient de mise en ville : ainsi, par exemple, avec le nouveau Chambéry by wine, des animations mêlant art, musique et dégustation dans cinq lieux de la ville (c’était en juillet). C’est par ailleurs une solution adoptée pour éviter de grands rassemblements : la fête des vins de Chablis (les 24 et 25 octobre prochains) ne se déroulera pas dans le centre de Chablis mais dans les vignobles.

La vigne ouverte sur la vie agricole

C’est comme si on s’apercevait que la vigne est à la campagne. Ruches, jardins d’oliviers, polyculture, agro-écologie, découverte de la faune, de la botanique et de la flore (ah, le lys des sables de Sérignan !), résurrection des cabanes de vigne, expérience de la biodiversité chez les vignerons de Buzet, cavage de truffes à Grignan, réalisations artisanales, produits de terroir… entrer dans les paysages de vigne permet aujourd’hui de découvrir d’autres types d’activités agricoles et bien de différentes manières de vivre et de faire vivre la vigne.

Paysages œnoculturels ; la culture est dans la nature

A sortir en plein air, dans les paysages, l’œnotouriste veut, en plus de découvrir tel ou tel domaine, comprendre le vignoble qu’il parcourt. Pour les acteurs territoriaux, il y a là une opportunité à saisir pour faire voir et comprendre in situ la personnalité d’un vignoble, c’est-à-dire sa géohistoire et son caractère unique. Pourquoi un vignoble est-il à tel endroit ? Pourquoi est-il en termes de géographie humaine si différent ?

Les paysages de vigne apportent des réponses (voir notre intervention « La Nature prend la parole » lors de l’Université de la Vigne au Vin). Les Journées du patrimoine (19 et 20 septembre) pourraient être mises à profit à cet égard.

Au-delà des panneaux d’interprétation, des expériences et activités de plein air œnotouristiques vont dans ce sens : les restaurations des pigeonniers du Gaillacois ; une toute nouvelle parcelle des cépages locaux et ancestraux de la coopérative Plaimont dans le Gers ; des fouilles archéologiques au Mas des Tourelles ; une découverte en canoë du Ciron et du botrytis (Domaine de Carbonnieu) ; le projet de développement territorial du vignoble de la Côte Vermeille. On effectue une balade dans le Saint-Péray vini-viticole à travers les âges, via des bâtiments et des métiers liés au raisin et au vin (Conte moi un terroir d’Eric Permingeat ) ; on se livre à une déambulation gourmande dans les vignes et les vins de Lyon avec Mauro Cos et l’Université du Vin de Suze-la-Rousse.

Indépendant, géolocalisé, cultivé voilà l’œnotouriste de demain, pardon, d’aujourd’hui. L’œnotourisme sport outdoor ? Peut-être pas. APN (activité de pleine nature) ? Certainement.

 

(1) Un tableau de 1657 réalisé par Poussin (Le nourrisson Bacchus confié aux Nymphes de Nysa, Fogg Art Museum à Harvard) offre la parfaite illustration de ce cadre.
(2) L’œnotourisme a maintenant l’âge que Bacchus avait sur la plage de Naxos, sur le mont Cithéron ou près de l’embouchure de l’Ilyssos à Athènes.

 

 

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