Oenotourisme en Doubs et Haute-Saône

Article du 18-12-2013

Robert Chapuis, géographe, spécialiste de l’étude des campagnes, livre ici un bel exemple de mise en valeur de l’histoire et des héritages de la viticulture.

Le sujet n’est pas facile, avec les vignobles de deux départements de la Franche-Comté qui ne comptent que 200 hectares aujourd’hui, contre 22.000 avant le définitivement ravageur phylloxéra.

Mais la civilisation du vin est tellement celle de la France et de ses campagnes que, d’abord, en raconter l’histoire est passionnant et dépasse l'intérêt d'une simple étude locale ; qu’ensuite les traces, vestiges, traditions de la vigne et du vin restent partout présentes ; qu’enfin, un peu partout, amateurs passionnés et professionnels exigeants renouent de manière vivante avec leur passé pour replanter cépages abandonnés et vignes oubliées.

Vins assaisonnés et livre de pierre

Oui, elle est passionnante, à l’égal de celle de plus grands vignobles, l’histoire de ces terroirs entre Jura, Vosges et plateau de Langres mais ouverts aux influences méridionales par la plaine de la Saône.

Terroirs dont les vins, selon un auteur de la fin du XVIème siècle, ne peuvent être trouvés inférieurs « aux autres des pais circonvoisins ».

L’ouvrage aborde tour à tour les périodes des clercs, des nobles et des bourgeois – et les leçons à tirer de ce panorama contrasté, qu’on y parle de fiscalité ou de mouvements corporatistes, de confréries ou de consommation, de siècle d’or ou de crise, de cépages interdits ou de spécialités comme les « vins assaisonnés »… sont particulièrement éclairantes pour nos problématiques contemporaines, qu'elles soient économiques, sociétales ou culturelles.

Que les traces de ce riche passé soient aisées à lire dans ce que l’auteur appelle le « livre de pierre » du petit patrimoine des campagnes et villages (cabordes, murgers, terrasses…), on en est vite convaincu au fil des pages et d’une iconographie bien conçue.
Mais on aura garde d’oublier que les villes, comme Vesoul et Besançon (qui a aujourd’hui ses vignes), pouvaient aussi être vigneronnes.

Et on ne saurait se priver pour l’avenir de ces quelque trente cépages répertoriés par le botaniste du début du XVIIème siècle Jehan Bauhin, dont les rares Grappenans, Bregin, Maldoux (Mondeuse noire)…

La renaissance des vignobles

Enfin, Robert Chapuis s’attache à montrer ces amateurs qui entretiennent des « reliques de l’ancien vignoble » (un millier de personnes pour 75 hectares), ces passionnés qui plantent de nouvelles vignes, ces communes (Vesoul, Gy, Ornans…) où renaît progressivement la conscience du patrimoine vitivinicole.

Ainsi peuvent être ramenés à la vie certains cépages, utilisés à nouveau certains modes de conduite de la vigne (en perche, en chevalets…), et pourquoi pas reconstruits certains paysages de vignes autrefois stupéfiants comme celui de Vuillafans.

Robert Chapuis décrit ainsi le travail de la famille Guillaume à Charcenne, le vignoble de Champlitte, et la tentative de l’association Ruranim à Vuillafans.

S’ajoutent à ces portraits la famille Garnery à Roche-et-Raucourt, Pascal Henriot à Champlitte, Henri Colin au Moutherot, Serge Ballot à Hugier, Antoine Lahaye à Motey-Besuche (en bio), Marcellin Puget à Buffard ou Vincent Cheviet à Bucey-lès-Gy.

Un vignoble outil de valorisation des territoires

La valorisation économique de ce travail patrimonial est à la fois nécessaire et possible : par la commercialisation des vins qui peuvent être estampillés IGP Franche-Comté (avec mentions locales comme Coteaux de Champlitte, Gy…), mais aussi par l’accueil d’un oenotourisme culturel.

Un musée de la Vigne est présent à Lods ainsi que dans le château de Gy ; des randonnées viticoles sont organisées par l'office de tourisme des Monts de Gy ; le domaine du Moutherot adhère au réseau Bienvenue à la ferme ; les patrimoines à découvrir sont légion et il faut découvrir les événements folkloriques, comme la fête de Saint-Vernier dans la Vallée de la Loue ou la Saint-Vincent de Champlitte.

Il est amusant de noter que l’auteur du « Chœur des Vignerons d’Ornans », chant de la Saint-Vincent, n’est autre que… Gustave Courbet.

On ne le répétera jamais assez. Le vin est un délicieux mille-feuille culturel.

 

 

Vignobles du Doubs et de Haute-Saône
De la naissance à la renaissance
Editions du Belvédère
22€ - 250 pages



 

Partager sur VIADEO Partager sur VIADEO

Site par Neteor