Oenotourisme : l’heure de l’originalité

Article du 17-06-2013

Encore émergent par certains aspects, toujours « de niche », le secteur du tourisme vigneron connaît en France une expansion formidable du côté de l’offre de prestations et d'événements oenotouristiques.

D’où une concurrence qui commence à se faire sentir entre domaines ou caves, mais aussi entre destinations, entre événements, entre appellations, entre pays…

La question du positionnement concurrentiel des offres oenotouristiques se pose désormais.

Comment se distinguer de la commune voisine (et ne pas faire la même balade gourmande dans les vignes) ? Comment offrir au visiteur autre chose que la simple visite du chai avec dégustation, ou des portes ouvertes différentes de celles du domaine voisin ? Comment ne pas organiser la même fête du vin que l’AOP limitrophe ? Comment concevoir un sentier vigneron nouveau ?

Un  squelette de mammouth

Ne pas faire la même chose, être visible, attirer l’attention des journalistes, des agences réceptives, ou des tour operators, bref être original, devient un impératif.

L’oenotouriste lui aussi, comme tout le monde, aime ce qui sort de l’ordinaire. Mais attention, il est à la recherche d’authenticité : il n’est pas sûr qu’il faille installer un squelette de mammouth dans son caveau pour se distinguer de son voisin. D’ailleurs, cela a déjà été fait !

Même des sites oenotouristiques « pionniers » ou « poids lourds » doivent innover en permanence. Ainsi pour le Château du Clos de Vougeot (avec un nouveau film), ou pour le Hameau du vin de Georges Duboeuf avec des animations temporaires ou des investissements nouveaux.

Musées, maisons des vins, parcours de découverte œnologique innovent aussi pour augmenter leur fréquentation, et font appel à des muséographes, des scénographes, des scénaristes, des informaticiens… La Maison des Vins de Sancerre a même créé une "attraction" rare, un simulateur d’enjambeur !

Fleur, Toques et Tablées

Du côté de l'événementiel, bien pratique dans un contexte de loi Evin, il faut aujourd’hui faire avec des événements bien installés, bien positionnés, qui ont des « parts de marché » conséquentes et croissantes (sauf que certains d'entre eux limitent aujourd'hui le nombre de participants), et qu’il serait absurde, a priori, de vouloir copier ou concurrencer, du moins dans leur zone de chalandise.

Citons par exemple, dans des registres fort divers, la Fête de la Fleur à Bordeaux, le Marathon du Médoc, la vente de vins des Hospices de Beaune, la Percée du Vin Jaune, les Grandes Tablées du Saumur-Champigny, Toques et Clochers, les pique-niques des Vignerons Indépendants ou les très originales vendanges du Pacherenc.

Des avantages comparatifs naturels

Certains acteurs oenotouristiques disposent d’avantages comparatifs « naturels ». Mais ils ne sont bien sûr pas partagés par tous.

Tout le monde ne peut pas mettre en avant une abbaye du XIIème siècle (Abbaye de Valmagne), se présenter comme la dernière distillerie de Paris, ou encore offrir sept hectares de carrières souterraines (Château Villemaurine), ou une ingénieuse et incomparable construction de clos de vigne (Clos Cristal).

Et encore faut-il savoir utiliser et valoriser ses atouts, ce qui n’est pas toujours le cas.

A pied, à cheval ou en voiture

On aura une idée des efforts d’originalité des acteurs de l’oenotourisme en regardant du côté des moyens de déplacement mis à contribution pour différencier les prestations dispensées.

Ils ont sans doute tous été mis à contribution. Citons, pour les équidés, les chevaux, attelages, calèches ou ânes.

Sur l'eau croisent des bateaux, des gabarres, des canoës.

Au dessus de nos têtes passent montgolfières et hélicoptères, et sur les routes et chemins, on roule voiture de collection, Bentley, Segway, Solex, vélo électrique, ou motos.

Au surplus, la Cave TerraVentoux vient d’innover avec la Twizy...

Le vin se marie avec tout

Chance pour l'innovation, le vin se marie avec de nombreux domaines.

Bien sûr, le vin va bien avec l’art. On ne peut citer tous les domaines et maisons hébergeant des expositions temporaires et des collections permanentes (Château Smith Haut Lafitte, Château Lacoste, Château d’Arsac et Winery, Bouvet-Ladubay, Pommery, Château de Jau...).

Dans cet ordre d'idée, la construction d’un nouveau et spectaculaire chai d’architecte est devenue – dans le monde entier - un point de passage obligé des grands châteaux et domaines.

Tout cela est très chic, mais le vin va aussi plus modestement avec une initiation à l’aquarelle... et des initiatives créatrices d’art ont aussi vu le jour.

On connaissait les barriques peintes du Château Puech Haut, les casots peints de Collioure, voici les bennes à vendanges, un événement imaginé par le syndicat des vignerons de Cairanne, ou voici aussi les traditionnels pieux de vigne en ardoise angevins transformés en supports artistiques.

Un ténor pour le vin

Le vin s’accompagne aussi de musique, classique ou de jazz principalement. Le festival de l’Hospitalet est devenu un événement apprécié et couru.

Mais l’œnologie peut s’acompagner de cours de chant, ou d’airs d’opéras dans les vignes avec un authentique ténor.

Un mot-clé de la créativité est donc celui d’association.

Safran, Huîtres et Munster

Association avec le théâtre, avec les sports, comme le golf, mais aussi avec la gastronomie, et ici aussi, sont recherchés les accords les plus originaux.

II y a des sentiers désormais bien fréquentés : vins-chocolat, vins-truffes, vins macarons et roses (Ackermann).

Il y a, de plus en plus souvent,  des accords plus rares : avec le safran et la truffe blanche, avec les fruits de la Vallée-du-Rhône, avec les poissons fumés,  avec les fromages (pour le Champagne), avec le Munster ou les fleurs et les plantes.

Même les accords avec les huîtres peuvent se révéler sophistiqués, quand il s’agit de mettre en valeur les divers « terroirs » du Bassin d’Arcachon

Une expérience mémorable

Il n’est pas nécessaire de faire très original, nous l’avons dit, il faut rester authentique. Il suffit parfois d’aborder les choses un peu différemment. Il n’est pas non plus obligatoire d’engager des investissements coûteux.

Ainsi, pour prendre l’exemple des simples dégustations, à un moment où le service du vin sous azote et les caves aux arômes sont devenues des classiques, un simple changement de contexte offre une expérience plus mémorable au visiteur.

Il peut s’agir d’une dégustation dans les vignes, face à un beau point de vue, ou au moment du crépuscule, avec ou sans cabanon...

Patrimoines oenoculturels, créativité et story-telling

De plus en plus, on trouve des pistes d’originalité authentique dans une connaissance et une utilisation des riches patrimoines vignerons attachés à un territoire, ou à une exploitation.

Montrer, expliquer, valoriser, faire expérimenter… Il y a là des réserves d’oenotourisme intelligent et instructif ; et rien n’est plus attrayant que la culture quand elle se boit et se mange…

Il peut s’agir de la géologie des vignobles. Ainsi, l’édition des Grands Chemins du Minervois 2013 prend-elle comme thème la Pierre, élément fondamental du sol et du bâti.

On pourra également s’intéresser à la lecture des paysages.

Ce mode d’association est le fondement des Duos vignerons (guide et vigneron) permettant de partir à la découverte du Lodévois et du Larzac, ou des visites de Buzet.

L'histoire de la vigne est évidemment passionnante à mettre en scène, à l'image de l’époque gallo-romaine au Mas des Tourelles. Il n'est pas inintéressant de mettre à contribution des personnages connus : Lawrence Durrel à Sommières, Giono dans le Trièves, Toulouse-Lautrec à Malromé, ou Pontus de Tyard à Bissy-sur-Fley...

Les pratiques culturales, les cépages particuliers ou rares, les vignes anciennes, les stades phénologiques de la vigne (ainsi de la fête de la Véraison à Châteauneuf-du-Pape)... sont des sources d'inspiration infinies.

Les travaux de la vigne fournissent des thèmes de séjours et de visites (la taille, les vendanges…), de même que les modes de vinification - y compris en dolium, sous la mer, ou avec des ateliers d’assemblage (par exemple pour le Cognac)...

La découverte des philosophies de culture comme l’oenotourisme bio, la lutte pour la biodiversité ou la cosmoculture, est maintenant à l'ordre du jour.

Ajoutons à ce rapide tableau les outils, le petit patrimoine rural, les cabanes de vigne, mais aussi le vaste champ de tous les patrimoines immatériels, artistiques ou littéraires...

Autant de sources pour écrire des histoires uniques et créer des expériences originales.

Après tout, les touristes sont curieux; ils sont là pour apprendre, découvrir les richesses du monde du vin, et revenir chez eux chargés de bouteilles, d'histoires et de souvenirs.

 

A lire aussi : L'oenotourisme culturel

 

 

 

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