On souligne partout les bienfaits du storytelling pour le marketing. Tant mieux : le vin, objet culturel et produit de civilisation offre mille ressources à la narration d’histoires à la fois originales, authentiques et porteuses de sens. Et ce, au-delà d’explications œnologiques, d’exposés techniques, ou d’aperçus culturaux qui accrochent peu le non-spécialiste, et restent hermétiques à l’amateur non expert en vin.
Plus que de coutume peut-être, on rencontre dans les productions littéraires de cette rentrée l’attrait de ces histoires profondes ou légères, anecdotiques ou historiques, courtes ou de longue haleine.
Ainsi, de « Pourquoi est-ce un chef d’œuvre ? 80 crus et vins expliqués » de Julien Gacon et Aurélie Labruyère. Sous dix têtes de chapitre, il rapporte force histoires : de Curnonski qui classait le Château Yquem parmi les cinq meilleurs vins du monde aux Hauts de Pontet 2012 classés en Vin de France, de Nicolas Rolin au Chevalier de Sterimberg, du cordon rouge de Mumm au flacon de Gallé de Perrier-Jouët… Bien des pistes qui mettent l’eau à la bouche et voudraient être creusées plus avant.
« Bon vin me fait chanter » de Sylvie Reboul poursuit le travail de cette auteure connue pour son « Le Vin et la Musique » et narre une « histoire du vin à travers les chansons » qui rejoint souvent la grande histoire. Une suite sympathique au « Le Vin et la chanson » d’Octave Pradels paru en… 1913. « Bon vin me fait chanter » foisonne en anecdotes originales. Ainsi, lorsque le Quai d’Orsay s’appelait le Quai de la Grenouillère - vers 1710 - il abritait tellement de cabarets que « boire un coup » se disait « grenouiller ». Bien plus tard, en 1906, le Palais de l’Elysée ferma durant une semaine. Le Président de la République, vigneron - c’était Armand Fallières – était parti en vendanges dans son domaine du Lot-et-Garonne…
Rien d’étonnant à ce qu’un livre d’Histoire fourmille d’histoires ! En l’occurrence, celui qui manquait à un grand vignoble de la vallée du Rhône, « Châteauneuf-du-Pape, Première AOC de France ». L’ouvrage de Jean-Claude Portes, qui remonte aux origines du village, réputé d’abord pour sa chaux (d’où son nom de Calcernier jusqu’en 1893), avant de l’être pour son vin connu sous le nom de « vin de la Nerte » avant la Révolution, ne fait pas exception à la règle. On apprend ainsi que lors de sa construction en 1892, le château néo-féodal des Fines Roches – aujourd’hui belle adresse hôtelière - fût réputé avoir été construit sur le plan de la résidence d’été des Papes…
Le « Guide Amphore vins bio », édité suite au Concours du même nom par Christophe Casazza et Pierre Guigui, est sensible au storytelling et recèle son lot d’éclairages narratifs. Ne confie-t-il pas, par exemple à propos du Domaine Dalmeran (AOC Les Baux-de-Provence), que « chaque pierre de ce petit paradis raconte une histoire » ? On assiste au mariage de Frédéric Paul Bott et de Andrée Geyl, on approuve la biodiversité du Clos de l’Anhel, on s’étonne de la toute petite taille du Mas de la Fée Nomène (1 ha), on déguste des fruits de mer au Domaine du Père Benoît dans le Gard. On va ainsi de la dégustation aux anecdotes, des histoires à l’envie d’œnotourisme.
Envie confirmée par « A la rencontre des cépages modestes et oubliés – L’autre goût des vins », ouvrage réalisé sous la direction d’André Deyrieux (www.winetourisminfrance.com) par les membres et sympathisants de l’association « Rencontres des Cépages Modestes ». Ce bel ouvrage, Prix Spécial Coup de Cœur Livres en Vignes 2016, permet de découvrir, en dehors des sentiers battus de l’ampélographie, plus de soixante cépages, leurs cuvées emblématiques et mille anecdotes authentiques et méconnues. On passe des pratiques historiques de complantation à la conduite en « cavalier » du Loin de l’œil, de Thomas Jefferson au « Félicie aussi » de Fernandel, de César au Casanova des cépages, le Gouais…
« Tchin-Tchin », de Jacques Rouvière et Sylvain Torchet (www.abcduvin.com), annonce la couleur avec son sous-titre « Petites histoires et grands plaisirs autour d’un verre de vin ». « Tchin-Tchin » égrène 66 histoires plus ou moins classiques qui méritent d’être relues ou découvertes. S’y croisent un vin chilien de météorite, le Clos du Maréchal Pétain, un vin pressé par un éléphant ou encore le coq noir du Chianti Classico…
Le vin donne bien sûr naissance à une création littéraire proprement poétique ou romanesque comme en témoigne le délicieux et rare « Vingt sur Vin », vingt courtes nouvelles de Joëlle Brière accompagnées de vingt linogravures de Jean-Pierre Blanpain.
Le vin s’avère donc - était-il besoin de ces quelques exemples ? – une source inépuisable de storytelling. Le vin est un livre.
« Pourquoi est-ce un chef d’œuvre ? 80 crus et vins expliqués » Julien Gacon et Aurélie Labruyère – Eyrolles - 12,90 €
« Bon vin me fait chanter » Sylvie Reboul – Féret – 19,50 €
« Châteauneuf-du-Pape, Première AOC de France » Jean-Claude Portes ODG AOC Châteauneuf-du-Pape
« Guide Amphore vins bio » Christophe Casazza et Pierre Guigui Editions de La Martinière – 20,90 €
« A la rencontre des cépages modestes et oubliés – L’autre goût des vins » André Deyrieux Dunod – 29 €
« Tchin-Tchin » Jacques Rouvière et Sylvain Torchet Féret – 15 €
« Vingt sur Vin » Joëlle Brière et Jean-Pierre Blanpain La Renarde Rouge – 16 €