Historien de la vigne et du vin

Article du 24-12-2015

Bien sûr, il y a des historiens formidables qui nous ont livré des histoires générales de la vigne et du vin comme Roger Dion ou Marcel Lachiver.

Mais, il reste bien des histoires locales à écrire sur la vigne sous l’Ancien régime ou depuis la Révolution, et bien des mémoires à rafraîchir. Heureusement, on peut compter sur des amateurs et érudits locaux pour renouer les liens, trop vite distendus, avec notre passé. Ce qui est vrai pour des vignobles qui bénéficient d’une histoire continue, l’est encore plus pour des vignobles trop vite et injustement disparus

Prenons l’exemple du Brionnais. Daniel Margottat habite Montceaux-l'Étoile. Ancien professeur de lettres, il s’est pris de passion pour cet autrefois prospère vignoble de Saône-et-Loire. Il a déjà amassé une documentation considérable, donne des conférences, et envisage un ouvrage. Nous lui avons demandé comment les vignes peuvent retrouver leur mémoire, et les enseignements qui peuvent être tirés de ces études.

Comment les vignes peuvent retrouver la mémoire

« Les documents de base, ce sont les livres terriers de l’Ancien Régime et le cadastre napoléonien institué en 1807 (généralisé à partir de 1827), indique Daniel Margottat. Ce ne sont pas que des cartes : ils comportent une multitude d’informations : noms, commentaires, chiffres… Le cadastre viticole de 1958 édité par l’Institut des Vins de Consommation Courante est une autre source.
Mais, je fais feu de tout bois : cartes postales et photographies anciennes, réquisitions et données fiscales, archives municipales, manuscrits acquis dans les ventes aux enchères. C’est le cas pour la comptabilité d’une donation aux pauvres de revenus de vignes : un vigneronnage tenu de 1746 à 1789.
Une source incontournable pour la Saône-et-Loire, ce sont les annuaires de l'Administration préfectorale de M. Monnier, celui de 1869 par exemple, qui fournit quantité de renseignements géographiques, économiques et historiques très précis. »

Mais ce travail d’archives s’accompagne aussi de rencontres, propres à éclairer des mystères ou à nourrir des intuitions ; vignerons, pépiniéristes-greffeurs et érudits comme ceux de l’Association Mémoire Brionnaise.

Ce que nous apprend la vigne d’antan

En tout cas, sans entrer dans de trop longues révélations, les premières leçons de ces recherches dans l’Ancien Régime et au XIXe siècle sont passionnantes et parfois surprenantes.

La propriété était très morcelée. Par exemple, le Clos de Gournoux, qui compte 32 hectares comprenait 223 parcelles. Oui, il existait, ici aussi, des Clos : Clos de Saint-Bonnet, Clos de Gournoux… C’est ainsi qu’on appelait des ensembles de parcelles que les bans des vendanges prescrivaient de vendanger au même moment.

Les vignerons étaient souvent, sans être très riches, propriétaires. Le poids des monastères - qui explique par exemple une toponymie de « vignoble des moines » - a perduré jusqu’à la révolution. Ainsi les moines de Charlieu donnaient 4 pièces de vin de leur vignoble de Saint-Bonnet-de-Cray au titre de l’aumône générale.

Les vins du Brionnais sont distingués, selon les documents, en vins « d’assez bonne qualité », « de conserve » ou « de garde ». « Ses vins deviennent très bons lorsqu’ils sont gardés » dit l’Encyclopédie de M. Desmarets (1809). D’ailleurs il est fait commerce de vins vieux (mais de quel âge ?). Les cépages sont eux rarement mentionnés.

Il y a vigne et vigne.
« On sait que les vignes avaient des valeurs différentes en fonction du loyer qui pouvait être demandé, note Daniel Margottat. C’est précisé par le cadastre napoléonien en 1827, ce qui veut dire qu’on le savait bien avant. Il y a cinq classes de vignes. La plupart des meilleures parcelles - celles de 1ère classe - sont à mi-coteau avec une exposition optimum sud-est. »

Malheureusement, ces parcelles, trop pentues pour l’embouche, ne sont aujurd'hui pas occupées par les vaches charolaises mais laissées en friche

Non, le phylloxéra n’a pas tué la vigne.
« Le phylloxéra s’est propagé lentement entre 1882 et 1892… Et, dès 1910, le vignoble était reconstitué, sauf dans les quelques communes peu viticoles qui se désintéressèrent de la vigne. Ce n’est pas le phylloxéra qui a tué la vigne, ni le chemin de fer, c’est la guerre de 14-18. La fin du vignoble, il suffit de lire les monuments aux morts des communes pour la comprendre. Et de savoir qu’il y a beaucoup moins besoin de main d’œuvre pour mener un élevage que pour travailler une vigne.»

Oui, les consommations de vin étaient importantes.
« Bien sûr, approuve Daniel Margottat, même si le degré d’alcool était vraisemblablement peu élevé.
Par exemple, un inventaire aux fins de réquisition de 1794 fait état d’une consommation de 2.600 pièces de vin (de 228 litres chacune) pour une année à Iguerande, village qui comptait alors au total… 1.200 habitants.
De manière inattendue, le document excuse ce volume en précisant notamment que les privations dues à ces périodes de trouble entraînaient les habitants à « boire plus qu’autrefois afin de se soutenir… ».

Par contre, il est difficile de dire - pour le moment - quelle quantité de vin était « exportée » par les ports de Pouilly-sous-Charlieu ou d’Iguerande, ou par voie terrestre vers Mâcon.

 

A écouter Daniel Margottat, on se dit que le passé est très proche. Et qu’écrire une histoire locale du vin semble un vrai enjeu : pour éclairer l’avenir, renouer une continuité culturelle et aussi restaurer des fiertés locales.

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