Tournicoton, tour à Tournon

Article du 03-09-2012

« Non aux biens de ce monde ! » Forte devise que celle du cardinal François de Tournon, qui fonda le collège de Tournon.
Les Jésuites qui géraient ce collège au XVIIème siècle rebaptisèrent en « Saint-Joseph » le « vin de Mauves », nommé ainsi parce que la plupart des vignerons habitaient cette commune toute proche de Tournon.

"Non quae super terram", d’accord, mais on quittera quand même l’autoroute pour une petite boucle au bord du Rhône, avec face à Tain et l’Hermitage (en rive gauche), Tournon et Saint-Joseph, appellation qui, loin des sévères leçons de François de Tournon, sponsorise chaque année le Festival National des Humoristes. Consanguinité des rires et des verres...

Le territoire est apte à l’oenotourisme, puisque dûment estampillé « Destination Vignobles et Découvertes » sous le nom D’Hermitage en Saint-Joseph.

Le large passage du Rhône, entre Tain et Tournon, avec sa passerelle en câbles de fil de fer (1847) qui joint les deux communes, est une enclave de calme entre les voies de grand trafic (A7, N7 et D86). D’ailleurs, si on veut rester dans ce cadre pour y dormir, on choisira à Tain, en face de la passerelle, une chambre sur le fleuve à l'hôtel bien nommé des Deux Coteaux

A cet endroit précis, le Doux vient se donner au Rhône ; en remontant sa vallée et ses gorges, on arrive sur le chemin de fer du Vivarais, animation touristique (vélorail pour la descente, autorail – bientôt à vapeur - pour la remontée) qui exploite au départ de Boucieu-le-Roi l'ancien chemin de fer Lamastre-Tournon.

L'appellation Saint-Joseph s'étend au nord (jusqu'à Chavanay) et au sud (jusqu'à Guiherand) de la rive gauche du Rhône, sur le département de l'Ardèche, mais aussi un peu la Loire.

Soixante kilomètres en tout qui donnent à un encépagement simple (Syrah pour les rouges, Marsanne pour les blancs), de nombreuses nuances climatiques. C'est le plus étendu des crus de la rive droite, 1050 hectares de coteaux pentus aux vignes palissées sur des échalas, de terrasses (les challeys) avec leurs murets (qu’il faut entretenir et même parfois reconstruire..), sculptées presque uniquement sur le granit (et ses sables granitiques) du Massif Central, entaillé par le Rhône.

Les vignerons ont dans leurs gènes la polyculture, pour l’oignon à une époque (d’où l’énorme foire aux Oignons qui a dépassé sa 700ème édition, mais ne présente guère aujourd’hui ces bulbes d’Amaryllidaceae), mais surtout pour les fruitiers, avec la maîtrise de la taille qu’elle implique, et les arômes (pêche et abricot) qu’on retrouve dans les vins blancs.

On notera que la Roussanne (autre cépage des blancs) porte à Chignin (Savoie) le nom de la variété d’abricot la plus répandue en Rhône-Alpes, le bergeron… Simple coïncidence, nous disent les ampélographes.

Les blancs de saint-Joseph, en production croissante mais limitée, méritent d’être découverts, surtout quand l'élevage sous bois se fait discret et laisse jouer, derrière les arômes de fleurs ou de noisette, la fine amertume propre à la Marsanne.

On goûtera Terre d'ivoire (sélection parcellaire de la Cave de Tain), la Cuvée Vania de Guy Farge, le Saint-Joseph blanc de Bernard Gripa, ou le Paradis Saint-Pierre de Coursodon. Un accord express avec du picodon est tout-à-fait jouable.

Côté rouge, la volonté est grande de faire de cette région septentrionale de la vallée du Rhône la capitale mondiale de la Syrah, unique cépage rouge de l'appellation.

La Syrah est malheureusement touché par la maladie du dépérissement qui empêche de maintenir des vieilles vignes. C'est pourquoi, dès 1991, la Cave de Tain a créé, pour mieux comprendre le phénomène, l'Association Syrah, qui entretient un conservatoire de plus de 600 "accessions" de Syrahs et étudie sur une parcelle le matériel végétal et les modes de conduite ; hauteur du palissage, densité de plantation, réduction des intrants....

On goûtera Terre de Granit de la Cave de Tain, Les Royes de Laurent Courbis, et la cuvée l‘Olivaie de Jérôme Coursodon. D’une famille de vignerons installée depuis le XIXème siècle à Mauves, Jérôme aime à rappeler que les spécificités septentrionales, sur ce granit, sont de produire des vins fins et élégants plutôt que de jouer, comme plus au sud, dans la cour de la charpente et de la puissance.
Un accord express avec la caillette est tout-à-fait louable.

Sinon, il va de soi qu’une pause à Tain doit conduire vos pas dans ceux de Fabien Louis (Des terrasses du Rhône au Sommelier) qui organise désormais des promenades en vélos électriques, dont une Formule découverte Saint-Joseph, ou à la riche carte des vins du nouveau Mangevins, à l’assiette par ailleurs simple, précise et créative.

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