Jean-André Charial, bâtisseur dans les Alpilles

Article du 22-10-2012

« Il n’y a eu que le XIXème siècle pour croire qu’il existe des sciences exactes » Jean Cocteau

Octobre 2012, Saint-Rémy-de-Provence. Il avance entre les cuves d’inox marquées de noms de planètes, ou de dieux antiques, s’arrête au pied de celle de Vénus, se pose sur ses deux pieds. « Ici », dit-il. Je le suis à nouveau, nous passons dans le chai à barrique, le chœur en hémicycle d’une cathédrale, creusé dans la roche des Alpilles. Il s’arrête, nous faisons silence. Il avance vers un des piliers de béton, presqu’au centre de cette chapelle, s’arrête à nouveau. « Ca ne s’apprend pas… Il faut le ressentir, dans le calme, le silence ». Coudée royale, courants telluriques, biodynamie… ont présidé à la construction de la cave en 1992 et à la culture du vignoble.

Jean-André Charial se tient maintenant sur la vaste terrasse, face au nord, tournant le dos aux espaces de réception du Château Romanin, devant les forces invisibles, les courants dynamiques ou thermiques, dont jouent les planeurs de l’aérodrome du camp de vol à voile de Romanin.

Jean-André Charial est le descendant du limousin Antoine Charial, meneur de la grande grève de Lyon de 1910. Celui-ci va créer avec l’aide du maire de l’époque, Edouard Herriot, une coopérative ouvrière de production, l’Avenir, qui en avait un brillant, d’avenir, puisqu’elle devint un acteur majeur du BTP à Lyon, allant compter jusqu’à 1.000 salariés.
On compte parmi ses réalisations la faculté de médecine et de pharmacie, la Bourse du Travail, l’Hôtel des Postes de Lyon, l’Hôtel-de-Ville de Villeurbanne, et quelques quartiers modernistes (Gratte-Ciel ou Etats-Unis ) de Villeurbanne.

C’est l’Avenir qui fournira les éléments de construction de la cave cathédrale de Romanin.

Juste au-dessus de nous, les ruines du château médiéval, où vivait au XIVème siècle Phanette de Gantelme qui tenait une cour d'amour, et était la tante de la Laure de Pétrarque.

« Baumanière n’est pas une hôtellerie, c’est une récompense » Frédéric Dard

Décembre 1945, au pied des Baux. Au creux du Val d’Enfer, dans cette architecture désordonnée et rigoureuse de rocs calcaires et de carrières cubistes où passeront en 1959 les acteurs (dont Picasso et Charles Aznavour…) du Testament d’Orphée tourné ici par Cocteau… Raymond Thuilier, cuisinier autodidacte restaure un mas du XVIIème siècle, le mas de Baumanière avec l’idée d’en faire – malgré son éloignement de la Nationale 7 ! - un relais de charme et de luxe.

L'Oustau de Baumanière est inauguré en 1947 par… Georges Pompidou, à l’époque commissaire-adjoint au tourisme. Avec trois étoiles au guide Michelin – qu’il gardera, exemple unique, 35 ans – il accueille la planète des Chagall, Picasso, Elizabeth (la reine), Grace (la star) et Albert (le prince, également Marquis des Baux), Deng Xiao Ping, Henry Kissinger, Liz Taylor, le général (de Gaulle), Frédéric Dard… S’en suivront des centaines de pages de Livre d’Or.

« La Chèvre d'Or que nul mortel ne paie ni ne trait, qui sous le roc de Baumanière,

lèche la mousse du rocher. » Mistral

Octobre 2012, La Cabro d’Or. Jean-André Charial est dans les cuisines de La Cabro d’Or pour régaler quelques journalistes d’un simple et subtil « Canon d’agneau en croûte » à la tapenade d’olives vertes, réminiscence du fameux gigot en croûte de son grand-père Raymond Thuillier.

La Cabro d'Or – qui tire son nom du Mireille de Frédéric Mistral - a été créée par Raymond Thuillier en 1961. C’est en 1969 que Jean-André Charial, sorti de HEC, le rejoint pour s’occuper de la gestion des établissements avant de partir faire ses classes chez quelques grands (Troisgros, Chapel, Haeberlin, Bocuse, Girardet) et de revenir, cuisinier, accompagner son grand-père jusqu’à sa mort, en 1993. Jean-André Charial a alors 47 ans.

Aujourd’hui, Baumanière égrène au long du Val d’Enfer trois demeures (l’Oustau, le Guigou et le Manoir), un Spa, deux restaurants ; à l’Oustau avec Sylvestre Wahid au piano, et La Cabro d’Or dont Michel Hulin est le chef.
Au-delà, à Villeneuve-lès-Avignon, Le Prieuré (chef Fabien Fage) ouvre sa table et ses chambres aux amateurs de goûts. A Maussanne-les-Alpilles, la table-bistrot de La Place ne désemplit pas. Enfin, pour l’hiver, les équipes de cuisine se transportent au Strato de Courchevel.

« Un jour, la mer recouvrira la terre et
s’arrêtera à la « Stèle » du Mas de la Dame » Nostradamus

Octobre 2012, au Mas de Gourgonnier. Jean-André Charial, Président des vignerons de l’appellation évoque le chemin parcouru depuis l’époque où « les Coteaux Baux-de-Provence » n’étaient que des VDQS.

L’AOC Les Baux-de-Provence a vu le jour en 1995 au sein des coteaux-d’aix-en-provence. Il lui faudra encore 15 ans pour faire accepter par l’INAO ses vins blancs au sein de l’AOC. Marsanne, Roussanne, Ugni blanc, Grenache blanc… ont désormais droit de cité.

L’appellation, ce sont aujourd’hui sur 370 hectares des vins solaires et calcaires, 12 producteurs répartis sur les versants nord et sud des Alpilles (avec 15 jours de décalage dans les vendanges), tous en agriculture bio sauf un, mais tout aussi exigeant à la vigne comme au chai (le Mas Sainte-Berthe).

L'appellation est riche en grands noms, souvent aussi producteurs d’olives et d’huile d’olive : Hauvette à Saint-Rémy, Estoublon à Fontvieille, le Mas de la Dame aux Baux-de-Provence, le familial Mas de Gourgonnier (Mouriès), qui a gardé le format originel de la bouteille de Calvados pour certaines cuvées (il n’existe plus qu’un producteur en Normandie)…
On n’oubliera pas le célébrissime Eloi Dürrbach, Domaine de Trévallon, en dehors de l’AOC puisqu’il élabore ses cuvées en Vins de Pays.

Sur le plan oenotouristique, le Domaine Dalmeran (Neil et Béatrice Joyce, à Saint-Etienne-du-Grès), dans son magnifique et mystérieux cadre de jardins et de vignes (épargné par l’incendie des Alpilles de 1999), est particulièrement actif : interventions artistiques (Land Art), concerts, animations œnologiques et concours de cuisine. www.dalmeran.fr

Quant à Jean-André Charial, si le Château Romanin appartient depuis 2006 à Jean-Louis et Anne-Marie Charmolüe, il est encore vigneron. Il produit chez Jean-Daniel Schloepfer (Domaine de Lauzières) un vin dont le nom signe sa vie : « L’Affectif ».

* * *

A voir : le potager biologique de la Cabro d’Or, le village des Baux, l’un des « plus beaux villages de France » et « Site Remarquable du Goût » (la Fondation Louis Jou et ses incunables, le musée Yves Brayer, le château), les Carrières de Lumières (exposition Gauguin-Van Gogh jusqu’au 6 janvier 2013)

A faire : à Maussanne, Le Petit Roman organise des promenades à la journée dans les vignes - http://randochevalalpilles.blogspot.com


A goûter
- les olives cassées ou piquées, par exemple au Verger des Baux (Maussanne)
- les fromages de chèvre du Rove (06 07 48 89 14
- les visites-dégustations-déjeuners de Gilles Ozzello, chef sommelier de l’Oustau de Baumanière
- le premier week-end de décembre, les produits de la Fête de l'Huile Nouvelle à Mouriès - www.afidol.info
- la cuisine de Marc de Passorio (Hostellerie du Vallon de Valrugues, à Saint-Remy) - www.restaurant-marcdepassorio.fr

Note

Sur les cours d’amour : http://fr.wikipedia.org

 

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