Les cépages oubliés ont de l'avenir

Article du 10-02-2011

 

Les cépages, étudiés par une discipline au nom pulpeux - l'ampélographie - font partie des richesses de la civilisation du vin.

Pourtant, ils sont une multitude à avoir disparu, ou à être tombés dans l'oubli.

En raison de l'histoire - phylloxéra, cahiers des charges des AOC, arrachage - ou des modes et des goûts supposés des consommateurs (français ou étrangers), ou enfin de leur fragilité, de leur faible rendement, de leur teneur limitée en alcool, et souvent de leur mauvaise utilisation...

Les spécialistes parlent d'érosion génétique : en 1958, les 20 variétés les plus importantes représentaient 53% du vignoble français - ce chiffre était de 86% en 2006.
A mettre en regard des 9.600 cépages identifiés dans le monde par Pierre Galet dans son ouvrage - référence absolue de l'ampélographie - le Dictionnaire encyclopédique des cépages.

Ce phénomène n'est pas propre à la France; la Grèce, par exemple, a vu disparaître nombre de cépages autochtones... La biodiversité en pâtit, mais aussi "l'offre gustative", l'éventail des typicités organoleptiques disponibles...

Il existe certes des conservatoires de cépages - le plus important est la collection internationale des cépages et vitacées du domaine de Vassal à Marseillan, sur le littoral de l’Hérault, qui compte 2.600 cépages de vigne Vitis vinifera - et des vignerons se sont déjà intéressés à des cépages en voie de disparition.

Georges Vernay a sauvé le Viognier. les Plageoles ont protégé les cépages historiques du Gaillacois, Henry Marionnet a choyé le Romorantin (et le choie encore), on assiste à la renaissance de l’Arbane en Champagne, du Persan en Savoie, du Mollard en Provence, et du Chatus en Ardèche.

Aujourd'hui, certains vignerons vont plus loin et prospectent de manière systématique les vignes, les jardins, les habitations rurales pour retrouver des souches abandonnées, isolées mais survivantes.

Dans quels buts ?

Inventorier ce riche passé viticole, d'abord.

Mais les démarches ne sont nullement passéistes. L'objectif est aussi de cultiver ces cépages, d'élaborer des microcuvées, de valider des itinéraires techniques pour favoriser la typicité des vins, et, un jour, de les remettre sur le marché.

Cépages oubliés et marketing

En diversifiant l'encépagement et les goûts, il sera possible de répondre aux goûts pour des vins de cépages rares, historiques et insolites. Les amateurs sont de plus en plus nombreux. Hésiteriez-vous à faire goûter lors de votre prochain dîner en ville une bouteille de Cacaboué de Charpignat ou un flacon de Douce Noire de Saint-Pierre de Soucy ?

L'étude scientifique de leurs aptitudes va également servir aux futurs possibles de la vigne et du climat... Avant d'OGMiser la vigne, commençons par étudier ce formidable patrimoine inconnu.

Renaissance des cépages, re-création des vignobles

Des associations se créent - telles les toutes nouvelles "Rencontres des Cépages Modestes" initiées en Aveyron par le chroniqueur Philippe Meyer - suscitant même en région Rhône-Alpes un Réseau des Vignobles et Cépages Rares, animé par Anne Deplaude, qui regroupe vignerons de Tarentaise, de Maurienne, de Trièves, d'Ardèche et des coteaux du Giers.

Au courant de renaissance des cépages se joint celui de la re-création des vignobles, à l'image du Domaine des Ardoisières du coteau de Cevins "réinventé " au tournant du XXIème siècle (tout un symbole) par le vigneron savoyard Michel Grisard.

 

C'est donc avec grand intérêt qu'on pouvait suivre, le 5 février à Montmélian, l'assemblée générale du Centre d'Ampélographie Alpine Pierre Galet (CAA-PG) qui s'est fixé pour but, il y a moins de quatre ans, de compléter la liste des 129 cépages actuellement répertoriés dans l'arc alpin.

Cette assemblée - qui réunissait le ban et l'arrière-ban de la vigne, du Conseil Général, de l'agriculture et de la botanique - permit de vivre quatre événements.

- Le passage tout en douceur de la présidence de Roger Raffin à Michel Grisard (qui débuta la réunion en citant Columelle : "il y a autant d'espèces de vignes que de grains de sable dans le désert de Libye").

- L'installation du siège du CAA-PG au sein du Musée Régional de la Vigne et du Vin de Montmélian.

- La donation au Centre par Pierre Galet de l'ensemble - considérable - de son travail d'ampélographe (notes, fiches, planches...)

- La prise de connaissance du projet VinAlp (avec financement ALCOTRA) qui permettrait l'emploi d'un salarié.

 

De quoi mener à bien un beau projet sur la Route des Vins du Mont-Blanc, et (r)ajouter à notre culture d'aussi jolis noms que "la Rèze", "le Bia blanc", "le Martin Cote noir de La Rochette", "la Sainte-Marie de Chignin"...

 

Cenre d'Ampélographie Alpine Pierre Galet (CAA-PG) 

- site web

- page Facebook

 

Photos (DR)
Haut : l'assemblée générale du CAA-PG de février 2011
Bas : Pierre Galet et Michel Grisard

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